Campagne 2023

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La neuvième campagne de fouilles à Kunara s’est déroulée du 19 septembre au 26 octobre 2023. Comme en 2022, les recherches ont concerné quatre chantiers : le chantier A en ville haute et les chantiers B, C et E en ville basse.

Chantier A (Christine Kepinski)

L’objectif de la campagne visait à poursuivre, vers l’ouest, le dégagement du bâtiment monumental (US 1105) construit au sommet d’une terrasse à deux degrés (US 71). Une tranchée de 8 m de large, avec trois paliers, a ainsi été ouverte. Dans le palier sud, le plus élevé, le mur US 12, conservé sur 4 m de haut, s’élève à 3,50 m au-dessus du sol d’occupation le plus récent (niveau 2a). Le palier nord a permis de confirmer que le mur extérieur du bâtiment (US 66) présente un arrondi. Enfin, dans le palier intermédiaire, un mur de 2,60 m de large, perpendiculaire à US 12 et à US 66 a été découvert. Il ferme les pièces 1130 et 1133, dont le plan est désormais complet.

Fig. 01. Chantier A. Le soubassement en pierre du mur 66, la pièce 1133 (sol 1135) et le mur 12 (depuis l’ouest).

 

Chantier B (Aline Tenu)

La fouille s’est concentrée sur deux secteurs. Dans le premier, au sud-ouest, on a continué à dégager la pièce L. 755 du bâtiment B. 715. Le comblement volontaire de la pièce résulte de plusieurs séquences qui diffèrent du nord au sud où a été, semble-t-il, allumé un incendie. Avant et pendant le remplissage ont été déposés de nombreux restes fauniques (bois de cerf, chevilles osseuses de mouflons et de chèvre, ainsi qu’une patte de lion), dont certains ont été violemment brûlés. Au nord-ouest, le nouveau secteur B5 visait à chercher la limite occidentale du bâtiment B. 712. Deux murs parallèles 772 et 774 correspondant au prolongement des murs 702-130 et 703-134 ont été mis au jour, montrant que B. 712 mesurait au moins 37 m (est-ouest), mais son extension complète n’est pas encore connue.

Fig. 02. Chantier B. La couche d’incendie au sud de la pièce L. 755 Fig. 03. Chantier B. Secteur B5. Le mur 772 depuis le nord-ouest. Les pains de terre beiges, blancs et bruns sont bien visibles en coupe au-dessus du soubassement en pierre

 

Chantier C (Barbara Chiti)

Les travaux se sont poursuivis au nord du chantier. Ils ont permis de dégager la pièce L. 858 du bâtiment B. 862 (période V, vers 2200-2100) sur toute sa surface (15 m2). Elle était comblée par différentes couches d’effondrement qui témoignent du violent incendie qui a détruit le bâtiment et a livré un riche matériel, dont des vases de cuisine, de l’outillage macro-lithique et des scellements. Un sol (893) et un niveau de fréquentation (1020) ainsi que des structures en pierre (1029 et 1021) appartenant à la période IV (vers 2000) ont également été mis au jour. Ils sont probablement de peu postérieurs à la destruction qui a marqué la fin de la période V. Au nord-ouest du chantier, le dégagement du bâtiment B. 883 (période II, âge du Fer) a continué, mais ses limites nord, ouest et sud n’ont pas encore été atteintes. Sa fonction demeure inconnue, mais B. 883 pourrait être une unité domestique.

Fig. 04. Chantier C. La pièce L. 858 en cours de fouilles (depuis le nord) Fig. 05. Chantier C. Scellement M. 1049 de la pièce L. 858

 

 Fig. 06. Chantier C. Le sol 893 (période IV) mis au jour sur la couche de destruction du niveau de la période V

 

Chantier E (Florine Marchand)

L’objectif de cette campagne était de poursuivre le dégagement du bâtiment principal B. 659. La pièce L. 930 a fini d’être fouillée. Son sol, caractérisé par un cailloutis en mauvais état de conservation, était couvert d’une couche de tessons, épaisse de 30 à 40 cm, dans laquelle on a découvert des scellements très érodés et des blocs d’argile fine, ressemblant à l’argile des tablettes découvertes sur les chantiers C et E. Deux nouvelles pièces, au cœur de B. 659, ont été découvertes, mais elles n’ont pas encore été fouillées en totalité. Sur le sol de L. 942, on a mis au jour, outre des tessons, des barillets d’argile ainsi que des fragments de tablettes, très endommagés. La pièce L. 944 était elle vide matériel, mais elle n’a été dégagée que sur une petite surface.

Fig. 07. Chantier E. Vue des pièces L. 944, L. 942, L. 691 et L. 692 depuis l’ouest Fig. 08. Chantier E.  Céramique écrasée en place sur le sol US 945 dans la pièce L. 942, (depuis l’ouest)

 

Étude céramique (Juliette Floquet et Imane Achouche)

En 2023, l’étude a porté sur 40 US, pour l’essentiel datées de la période V, à l’exception du chantier C qui documente également les périodes II et IV. Une attention particulière a été accordée au sol de la pièce 930 (chantier E) dont le matériel a été prélevé par secteur et par niveau révélant un nombre total d’individus de 90. L’étude a par ailleurs montré à la fois la grande homogénéité de certaines formes et décors, en particulier les jarres de stockage à cordons digités et croisillons, présentes sur les quatre chantiers et la singularité de corpus du chantier A, et notamment du sol 1135 (pièce 1133) qui se caractérise par de la céramique fine.

 

Fig. 09. Jarre de stockage avec cordons digités
et décor en croisillon très commun à la période V
Fig. 10. Petit pot en céramique fine de l’US 1135 du chantier A


Étude archéozoologique (Michaël Seigle)

La faune étudiée en 2023 représente 2150 restes provenant des quatre chantiers et mis au jour en 2022 et 2023. L’essentiel date de la période V. La faune domestique prédomine et les profils d’abattage des caprinés montrent un élevage orienté vers la production de lait et de laine. Le sol (940) de la pièce L. 930 du chantier E a révélé un large spectre de faune sauvage avec des mammifères issus de milieux variés (gazelle, renard, castor et un squelette complet de belette), des oiseaux (dont une mandibule complète d’oie cendrée) et des invertébrés, notamment des moules d’eau. Les découvertes les plus exceptionnelles proviennent du chantier B où 43 chevilles de mouflon, 2 de chèvre égagre, 9 portions de bois de cerf ont été mis au jour dans ou juste au nord de B. 715. Sur le même sol en cailloutis que les deux chevilles de chèvre égagre ont été retrouvés un grand merrain de cerf et une patte postérieure de lion encore en connexion qui appartiennent peut-être à un individu dont on a découvert un fragment de mandibule gauche et un de maxillaire droit en 2022.

Plusieurs vertèbres de poisson ont été découvertes dans la fraction lourde de flottation.

Fig. 11. Mandibules de belette (L. 930, chantier E)

Fig. 12. Bois de cerf (au centre) et patte postérieure de lion (en bas) découverts dans L. 755

 

Étude archéobotanique (Carolyne Douché)

Débutée en 2022, l’étude botanique a concerné, en 2023, 46 échantillons, issus des quatre chantiers. Si les taxons sont communs aux quatre chantiers, le type de reste diffère avec notamment un grand nombre de vannes sur le chantier A. Un échantillon du chantier C a livré, outre des restes d’orge vêtue à deux rangs, des graines de lentille, de pois chiche, de lin et au moins deux pépins de raisin. Le pois chiche est rarement trouvé sur les chantiers d’Irak. La découverte de lentilles sur les chantiers B, C et E montrent l’importance des légumineuses, qui complétaient les céréales, dont le blé amidonnier, l’orge vêtue à deux rangs et l’avoine.

Fig. 13. Restes végétaux retrouvés dans l’échantillon #FL.0080, Chantier C. a) Caryopse d’orge (Hordeum vulgare subsp. distichum) fragmentés avant carbonisation (‘bulgour-type’),
b) Graine de lentille (Lens culinaris), c) Pois chiche (Cicer arietinum)

Page mise à jour le 16/04/2024


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