Région de Baia Farta – Province de Benguela (Angola)

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Région de Baia Farta – Province de Benguela (Angola)

Fouille sur le site de Dungo (© M. Guttierez).

Les recherches archéologiques conduites dans la région de Baia Farta au sud de Benguela sont organisées en collaboration entre le Musée national d’archéologie de Benguela et des universitaires et chercheurs français. La création de l’équipe franco-angolaise de recherche archéologique au début des années 1990 avait comme finalités la recherche archéologique dans la province de Benguela et plus précisément dans la région de Baia Farta, au sud de la ville de Benguela ainsi que la formation théorique de cadres et membres de l’équipe. Actuellement la formation concerne aussi les étudiants de l’université Katyavala Bwila de Benguela.

Sur le terrain et du point de vue pratique, nous avons proposé de mettre fin au ramassage de surface et de commencer à pratiquer des fouilles archéologiques méthodiques adaptées à des périodes paléolithiques. Les premiers résultats sont :

  1. la formation d’une équipe de personnes formées à la discipline et issues d’un milieu archéologique ;
  2. l’abandon du ramassage des objets archéologiques sans contexte ;

Du point de vue scientifique, les résultats obtenus jusqu’à présent sont très importants et nous pouvons maintenant affirmer que dans les sites paléolithiques de l’ensemble archéologique de Dungo, et plus particulièrement à Dungo IV, au moins deux industries paléolithiques se succèdent dans le temps. L’une composée très majoritairement de choppers et des éclats, connue en Afrique orientale sous le nom oldowayenne et que nous préférons appeler pré-Acheuléenne pour des raisons de cohérence stratigraphique, et une autre plus récente composée majoritairement de bifaces qu’est l’industrie Acheuléenne.

La mesure du temps a aussi été un défi important dans nos recherches dans les sites de Dungo. La première grande difficulté méthodologique est que souvent les industries lithiques du paléolithique inférieur ont été datées par des mesures prises sur des coulées volcaniques (en Afrique de l’est par la méthode Potassium/Argon ) que nous n’avons pas en Angola pour les périodes qui nous concernent. Il fallait trouver des approches chronologiques nouvelles et associer à cette démarche des laboratoires susceptibles de pouvoir mesurer le temps à partir des données existantes sur nos sites.

Un autre défi important du point de vue scientifique était le contenu des vestiges mis au jour à Dungo IV, premier site à avoir été fouillé avec méthode dans la région. Nous avons mis au jour dans ce site un important corpus de pièces lithiques de différentes factures et très souvent en quartz, mais aucun autre vestige n’a été décelé. Aucune trace ou fragment osseux n’a été trouvé pendant des années de recherche et cette situation nous interpellait dans la mesure où les populations qui ont vécu sur place ont nécessairement intégré dans leur alimentation des animaux terrestres ou marins et donc des vestiges devaient exister.

De nombreuses discussions concernant l’absence d’os à Dungo IV nous ont conduit à prospecter un secteur de l’ensemble Dungo appelé « paléo lac ». L’argumentaire était que dans un milieu écologique plutôt fermé, voire protégé, les chances de trouver des os ou des squelettes en bon état de conservation étaient plus grandes. Les résultats sont qu’effectivement nous avons trouvé des os dans cette partie du site et qu’un grand nombre de ces os se trouvaient en connexion anatomique !

L’étude du matériel osseux montre qu’il s’agit d’un cétacé échoué sur ce paléo lac qui est en réalité une lagune maritime où ce mammifère est arrivé sans doute déjà mort. Le fait marquant pour l’archéologie est qu’il a servi à l’alimentation carnée à des populations de l’époque comme l’indiquent les nombreux objets en pierre taillée trouvés à l’intérieur de l’animal. Il s’agit donc d’un cas de charognage à l’époque paléolithique.

Bien que la présence de nombreux choppers indique que nous nous trouvons effectivement dans un niveau du paléolithique ancien, nous n’avions pas de critère scientifique de datation précise. C’est grâce à l’aide du laboratoire de faibles radioactivités de Giff sur Yvette en région parisienne et plus particulièrement aux recherches conduites par Jean-Louis Reys sur le rapport Uranium/Thorium(U/Th) que nous avons obtenu une première approche chronologique pour les niveaux anciens de Dungo. En effet, des mesures U/Th réalisées sur une coquille d’huître qui se trouvait au même niveau stratigraphique que le squelette de la baleine, montrent que l’âge minimum de ces vestiges se trouve au-delà de 350 000 ans [1].

La prudence sur la chronologie s’explique par le fait que la méthode de datation ne permet pas d’aller au-delà de 350 000 ans, ce qui implique que les vestiges sont très probablement plus anciens, mais nous ne savions pas à ce moment de combien de dizaines de milliers d’années (sans doute beaucoup). Ces premiers résultats montrent que la conservation du matériel osseux à Dungo est une réalité et que ces ossements sont en rapport avec la présence humaine dans la région à une période reculée de la préhistoire. La poursuite de la recherche allait nous montrer que d’autres vestiges du même type sont présents dans cette partie de l’ensemble archéologique de Dungo. Ainsi, une deuxième baleine a été mise au jour dans ce paléo lac à quelques dizaines de mètres de la précédente. Elle a été fouillée pendant la campagne de fouille de décembre 2011 et se trouve actuellement au Musée de Benguela.

Du point de vue chronologique, des recherches récentes ont permis de mesurer l’ancienneté d’enfouissement des objets en quartz fabriqués par l’homme sur le site Dungo IV. Il s’agit de l’utilisation de méthodes nouvelles qui permettent de mesurer l’activité cosmique sur des matériaux divers tel le quartz dans notre cas. Il s’agit de mesurer le temps écoulé entre la fabrication de l’objet et son enfouissement et le temps présent. Les mesures effectuées permettent d’affirmer que la présence humaine dans la région de Dungo se situe autour de 2 000 000 d’années. Il s’agit donc du site le plus ancien d’Angola et de cette partie du continent [2]. Les sites de Dungo sont donc très anciens et les recherches archéologiques conduites sur place montrent la richesse et l’importance de ce complexe archéologique.

Le site Dungo IV (© M. Guttierez).
Texte rédigé par Manuel Gutierrez, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

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