Mathieu Leroyer

Leroyer
Mathieu LEROYER
Docteur en archéologie préhistorique – Université de Paris 1 Panthéon – Sorbonne
Archéologue au Service Interdépartemental d’archéologie des Yvelines – Hauts-de-Seine (EPCI)
Contact: +33 (0)1 46 69 24 00

 Mots clés : Paléolithique ancien ; technologie lithique ; façonnage bifacial ; débitage ; ressources lithiques ; cognition ; savoir-faire ; apprentissage ; paléo-sociologie ; approche palethnologique.

Mes recherches portent sur la taille de la pierre au Paléolithique ancien et moyen. Leur problématique centrale est la transposition du type d’analyse palethnologique et socio-cognitives des vestiges lithiques formalisée sur les occupations magdaléniennes du Bassin parisien à la suite des travaux d’A. Leroi-Gourhan, aux six-cent mille ans d’occupation du nord de l’Europe par les humanités anciennes (Néandertaliens et Pré-néandertaliens) antérieurs au Paléolithique supérieur. Une des grandes questions que nous envisageons est de savoir si les variations d’investissement techniques entre différents systèmes de productions lithiques du Paléolithique ancien et moyen trahissent, outre des adaptations économiques aux ressources disponibles, l’affirmation plus ou moins forte de statuts individuels et collectifs particuliers, de séparations des tâches…

Cette problématique, nourrie par la formation reçue à l’Université de Paris 1 (UFR 03, ED11) et l’incorporation à l’équipe Ethnologie préhistorique (UMR 7041, ArScan), ne s’est affirmée que très progressivement. Elle répond d’abord aux résultats de l’analyse des chaînes opératoires de façonnage bifacial et de débitage. Elle est aussi stimulée par différentes incitations : la mise au jour de niveaux extensifs, dont de véritables sols d’occupations, en contextes de plein-air, dans le nord-ouest de l’Europe ; l’affermissement des connaissances sur la subsistance et l’organisation sociale des communautés humaines au Paléolithique ancien (découvertes majeures de Schöningen, de la Sima de los huesos, de Boxgrove…) ; l’extrapolation de plus en plus fréquente en littérature d’inférences paléo-sociologiques issues de l’ethnologie et de l’éthologie, qui appellent à des validations empiriques proprement archéologiques.

► Cette recherche a émergé, pour une large part, de ma recherche sur le technocomplexe Acheuléen et le « phénomène biface », dans le nord-ouest de l’Europe.

Exemple de reconstitution d’une chaîne opératoire de façonnage de Boxgrove (modalité de façonnage successive)

○ Elle a débuté par mes études de Maîtrise et Master 2 (Leroyer, 2005 ; 2006 – dir. N. Pigeot), à Paris 1. Liées au PCR « les premiers hommes en Normandie » (dir. D. Cliquet), elles impliquaient le réexamen d’anciennes collections normandes renommées depuis les travaux de F. Bordes :

– Ma maîtrise (Leroyer, 2005) a été consacrée aux industries de Saint-Pierre-lès-Elbeuf (coll. Kelley et Dubus, Dép. de Préhist. du Musée de l’Homme – Mnhn). L’enjeu était de sérier les bifaces de cette séquence de référence du Pléistocène moyen/supérieur, en regard de multiples technocomplexes (Acheuléen, Epi-acheuléen/ « Micoquien » sensu Bordes, MTA) J’ai défini une série propre à l’Acheuléen « classique » i.e. contemporain du « complexe de la moyenne terrasse de la Somme », caractérisée par : un tranchant transversal aménagé par coup de tranchet ; le recours à une méthode de façonnage alterne ; une patine homogène ; des indications stratigraphiques cohérentes (SIM 11 à 10) ;

– Mon master 2 (Leroyer, 2006) revenait sur le trait acheuléen des bifaces à tranchant transversal, en se basant sur le cas des industries de la Mare-aux-Clercs (coll. Dubus – Musée de l’Homme). Les chaînes opératoires montrent une prédétermination de cet objectif en amont du façonnage, en particulier pour les « bifaces-hachereaux » dont la réalisation fait intervenir une méthode successive. Ces résultats peuvent manifester le statut de fossile directeur des hachereaux (lato sensu), communs à l’Acheuléen d’Afrique, d’Europe et du Proche Orient.

– Ces résultats ont fait l’objet d’une communication (2008) et de publications (Cliquet et al., 2009 ; 2010 ; Leroyer et Cliquet, 2010). La reprise des fouilles à Saint-Pierre-lès-Elbeuf (2005-2007), dont les observations préliminaires (Cliquet et al., 2009) ont été développés plus en détail dans la thèse (à la suite), s’inscrit dans le prolongement de ce travail.

○ Ma thèse (Leroyer, 2016) explore plus en détail les implications socio-économiques, symboliques et la logique d’évolution du phénomène bifacial acheuléen :

– Cette ambition s’appuie sur une vaste étude historiographique montrant un déséquilibre entre un paradigme « utilitaire » du phénomène biface, très populaire mais infirmé par les données et un paradigme « social et symbolique », souvent invoqué mais de façon très elliptique;

– L’étude des occupations de Boxgrove (SIM 13) offre un cas de référence pour ce type de questionnement. Remarquablement préservées, elles illustrent une complémentarité entre site d’abattage/fabrication de bifaces (GTP 17-4b) et site d’accumulation de bifaces près de point d’eau (Q1/B). Les chaînes opératoires bifaciales témoignent d’une norme rigoureuse, mais aussi de variations qualitatives importantes, attribuées à des tailleurs de niveaux de savoir-faire inégaux. Outre la définition d’un processus d’apprentissage technique, la projection inter-site de ces variations traduit une ségrégation spatiale entre tailleurs très compétents sur les sites d’abattage et tailleurs malhabiles sur certains sites de point d’eau qui apparaissent à ce titre comme des lieux de regroupement communautaire. Vu cette ségrégation, le niveau savoir-faire élevé requis pour atteindre la norme, l’apprentissage prolongé nécessaire, le poids des contraintes esthétiques (symétries) sur la fonctionnalité des bifaces, l’hypothèse d’un symbole de séparation des tâches est avancée. Les variations de niveaux de savoir-faire ont fait l’objet de quatre communications (2013 à 2016) et d’un article (Leroyer, accepté). L’étude doit faire l’objet d’une des monographies dédiées au site de Boxgrove (Roberts et Leroyer, in prep.).

figure2                            Détermination des variations de savoir-faire des tailleurs de Boxgrove, à partir de l’écart au concept de taille

– Mon étude des fouilles récentes à Saint-Pierre-lès-Elbeuf et Saint-Illiers-la-Ville (SIM 10 – Blaser et al., 2011), montre une simplification du façonnage et des bifaces (façonnage alterne /bifaces tors) qui fait écho à ce que l’on observe en Angleterre. Cette évolution qui favorise un savoir-faire moindre et l’entretien des tranchants au détriment de l’esthétique, pourrait entériner l’érosion progressive de la symbolique des bifaces acheuléens. L’analyse technique a fait l’objet d’une présentation au CPF 2016 et d’un article (Leroyer, in prep.).

► En admettant les perspectives paléo-sociologiques envisagées à propos des industries acheuléennes elles doivent avoir une incidence sur notre façon d’interpréter les industries lithiques et l’organisation des occupations du Paléolithique moyen. Ces implications sont explorées au travers de l’étude des faciès moustériens du Weichsélien moyen (SIM3 / fin SIM4) dans le Bassin parisien. Dans le cadre des travaux de l’équipe ethnologie préhistorique elles portent en particulier sur deux sites.

○ Les niveaux moustériens des « Bossats », à Ormesson (Bodu et al., 2013) : J’assure l’étude des industries de ces niveaux, en particulier du niveau d’occupation « domestique » du niveau 4. Elle a livré en pieds de barrière gréseuse une abondante industrie Discoïde associée à une exceptionnelle quantité de colorants travaillés. Une des problématique de recherche est d’interpréter le niveau d’investissement technique, apparemment assez faible, dans les productions Discoïde par rapport à cette autre activité et par rapport aux industries sub-contemporaines (com. orale Leroyer et al., 2013).

figure3

Modalité de débitage (gauche) et produits (droite) caractéristiques du niveau 4 du site des Bossats à Ormesson (Moustérien – technocomplexe discoïde).

○ Arcy-sur-Cure : Cette séquence documente la fin du Paléolithique moyen, le techno-complexe Discoïde, mais aussi des séries à débitage Levallois. Sa confrontation avec d’autres occupations sub-contemporaines du centre du Bassin Parisien doit aider à faire la part des tendances traditionnelles (entre technocomplexes) et spatiales (lithologie, Grotte/plein-air) dans les comportements techniques. Je participe au réexamen de la séquence, notamment de la galerie Schoepflin (Leroyer, 2013; Hardy et al., in prep.).

Collaborations :

  • Boxgrove Project (UCL).
  • Inrap, Île de France
  • PCR, « les premiers hommes en Normandie » (Dir. D.Cliquet).

Bibliographie :

. accepté – Leroyer M., Identification of skills levels in the Lower Palaeolithic : the case of masters and apprentices biface knappers from Boxrgove (England), 500 000 years ago. In Klaric & Bordes J.G. (dir.) : prehistoric technical productions and the apprenticeship in past societies without writing (titre provisoire). Campagne Workshop, September the 27-28-29 th , 2013. Dolni Vestonice Studies.

. 2016 : Leroyer M., Palethnologie acheuléenne : de la technologie bifaciale à l’organisation de la subsistance collective. Etude du site de Boxgrove Eartham pit (West Sussex, Angleterre) et de deux sites du cours moyen de la Seine. Thèse de Doctorat. 620 p.

. 2014 : Bodu P., Salomon H., Leroyer M., Naton H.-G., Lacarrière J. & Dessoles M., An open-air site from the recent middle Palaeolithic in the Paris Basin : Les Bossats at Ormesson (Seine-et-Marne). Quaternary International, 331, P. 39-59.

. 2010 : Leroyer M., Cliquet D., Continuity or discontinuity of the ‘Acheulean tradition’ through the middle Pleistocene ? The example of the Mont-Enot site at Saint-Pierre-lès-Elbeuf, Seine-Maritime, France. Quaternary International, 223-224, P. 462-464.

. 2009 : Cliquet D., Lautridou J.-P., Antoine P., Lamothe M., Leroyer M., Limondin-Lozouet N. et Mercier N., La séquence loessique de Saint-Pierre-lès-Elbeuf (Normandie, France) : nouvelles données archéologiques, géochronologiques et paléontologiques. Quaternaire, 20(3), p. 321-343.

Communications orales significatives :

 . 2016 : Leroyer M., De Pincevent à Boxgrove : principes, difficultés et enjeux d’une extension de l’approche palethnologique à l’Acheuléen. In : Journées de contact FNRS préhistoire, 17 Décembre 2016, Bruxelles.

. 2014 : Leroyer M., Quelle place pour le savoir-faire des tailleurs dans l’étude des industries du Paléolithique ancien ? Le cas du façonnage bifacial à Boxgrove. In : Identités culturelles et systèmes techniques au Paléolithique ancien : Quelle actualité ? Table ronde sur le Paléolithique ancien de l’équipe AnTET, 8-10 Octobre 2014, Université de Paris ouest Nanterre – la Défense.

. 2014 : Leroyer M., Bodu P., Salomon H. & Lhomme V., The Discoid techno-complex (MIS 3) at Ormesson and across the Paris sedimentary basin : Consistency and flexibility of a singular technical choice, with relation to the lithological context. In : Palaeolithic in North-West Europe. Multidisciplinary approaches. Namur, Moulins de Beez Conference : March the 20th-21st.

. 2013 : Leroyer M., 500 000 years old childrens : underlining the presence of acheulean apprentices stone knappers in the Boxgrove site (England). In : EAA annual Meeting in Pilsen, 2013. Session A09 : Children in the prehistorical and historical societies.

. 2007 : Leroyer M., Les bifaces à tranchant transversal de l’Acheuléen Normand. Colloque international, Les cultures à bifaces du Pléistocène inférieur et moyen dans le Monde. Emergence du sens de l’harmonie. Cerp, Tautavel, 25-30 juin, 2005.

Contributions significatives aux Rapports de fouilles:

.  2009-2016 : Leroyer M. in Bodu P. (dir.). Rapports annuels de fouilles du site des Bossats, à Ormesson.

. 2013 : Leroyer M., Lhomme V., Rocca R., Les industries de la galerie Schoepflin. In : Bodu P. et Hardy M., La Galerie Schoepflin, rapport 2013.

. 2012 : Leroyer M. in Blaser F., les occupations paléolithiques de Saint-Illiers-la-Ville, La Vallée des Prés. Du Pléistocène moyen au Pléistocène supérieur. Rapport de fouilles, Inrap, Centre-Île-de-France, Septembre 2012, 557 p.