Mission Ptoion et Akraiphia: épigraphie et archéologie

  Contexte historique et historiographique des recherches sur le territoire d’Akraiphia et du Ptoion et objectifs de la mission dans le cadre du quinquennal de l’EFA 2017-2021 et de la coopération avec la IXe Éphorie.

Travaux effectués entre 1885 et 1997

Les Français, en effet, ont investi la Béotie de manière précoce sur le plan archéologique puisque dès la fondation de l’École ou presque, dans les années 1850, les membres y firent de fréquentes incursions scientifiques : ainsi, Paul Decharme, avec son camarade Louis Petit de Julleville identifia avec certitude le Mouseion de Thespies en 1865 et y fit procéder à des fouilles en 1866. Mais c’est à partir de la fin des années 1880 que les activités françaises se précisèrent et les chantiers s’organisèrent de manière systématique. On en retiendra trois :

-la fouille menée à Thespies et au Val des Muses entre 1888 et 1891 par Paul Jamot ;

-celle que conduisit André de Ridder à Gla et à Orchomène en 1893

-mais surtout le chantier ouvert en 1885 sur le territoire d’Akraiphia par Maurice Holleaux qui devait ensuite devenir Directeur de l’EFA en 1904.

Maurice Holleaux commença à fouiller le sanctuaire du Ptoion en 1885, alors qu’il n’avait que 24 ans. Il mena, jusqu’en 1891, six campagnes de fouilles, au cours desquelles furent découverts, sur trois terrasses étagées, les principaux monuments connus aujourd’hui. Un plan du sanctuaire fut alors dressé par l’ingénieur Henri Convert. Mais, la Béotie fut, à la fin des travaux de Holleaux, la victime très certainement d’un autre chantier, beaucoup plus important, celui de Delphes où l’École française obtint exactement cette année-là en 1891 l’octroi d’un permis de fouilles de 10 ans.

Malgré tout, après ces premiers travaux, l’activité de l’École française d’Athènes se poursuivit en plusieurs étapes.

Ainsi, la fouille inachevée reprit en 1903 pour une campagne unique dirigée par Gustave Mendel et Léon Bizard. Elle fut suivie en 1923 d’un nettoyage effectué par Pierre de La Coste-Messelière, et Henri Seyrig, appelés ensuite à mener des travaux importants à Delphes et en Syrie. Les travaux furent relancés en 1934-1935 par Michel Feyel et Pierre Guillon, qui entreprirent également des fouilles la même année au deuxième sanctuaire, celui du Héros Ptoios à Kastraki. L’année suivante, en 1936, Feyel et Guillon effectuèrent aussi des sondages dans le village même d’Akraiphia (Karditsa à l’époque), autour de l’église byzantine d’Aghios Giorgos, située très probablement sur l’ancienne agora. Mais le premier mourut de manière tragique en déportation.

Après la guerre, il fallut attendre 1964/1965 pour qu’une nouvelle campagne fût menée au Ptoion par Christian Llinas, qui procéda pour l’essentiel à des nettoyages lui aussi, notamment sur les citernes de la terrasse inférieure. La même année, Yvon Garlan mena deux brèves campagnes de nettoyage sur le rempart de l’acropole qui permit le dégagement d’une tour pentagonale, publiée en 1974. Trente ans après, entre 1994 et 1997, j’ai moi-même repris l’étude de ce site en menant plusieurs campagnes de nettoyage, qui ont abouti à une grande campagne de levés topographiques sur les trois sites principaux : le Ptoion, Kastraki et Akraiphia. Mais le nombre de fouilleurs qui sont passés par là (sept équipes depuis 1885) a eu comme conséquence qu’on ne peut guère espérer y trouver un espace vierge d’investigation en-dehors des zones situées sous les déblais de Maurice Holleaux et des zones périphériques. On peut à la rigueur nettoyer, vérifier et procéder à des relevés topographiques, mais on ne peut plus fouiller, car on n’exhumerait que les tranchées ou les déblais des prédécesseurs.

Il en est résulté pour le Ptoion une bibliographie disparate, composée d’une multitude d’articles préparatoires souvent très riches, mais de deux monographies seulement :

-l’une de Pierre Guillon, qui publia ses propres travaux sur le héros Ptoios dans Les trépieds du Ptoion, ouvrage paru en pleine guerre en 1943 chez De Boccard dans la collection de la BEFAR ;

-la seconde monographie est celle que Jean Ducat a consacrée à la sculpture et à tous les objets archaïques (et début de l’époque classique) découverts au sanctuaire d’Apollon : il s’agit de sa thèse parue dans la même collection en 1971 sous le titre Les kouroi du Ptoion.

L’objectif est donc maintenant de publier de manière aussi précise que possible l’ensemble des antiquités d’Akraiphia et du Ptoion, depuis l’acropole jusqu’aux sanctuaires, grâce à une équipe de jeunes chercheurs, en élargissant la problématique à l’ensemble du territoire de la cité, sur le modèle suivi par d’autres anciens membres de l’EFA, Denis Knoepfler et Roland Étienne qui ont publié en 1976 une monographie de référence consacrée à Hyettos de Béotie.

Objectifs de la mission dans le cadre du quinquennal 2017-2021 :

-Le projet déposé lors du précédent contrat quinquennal (2012-2016) portait sur l’épigraphie béotienne en général (réfection du volume des IG VII qui date de 1892), et était placé du côté français sous le double patronage de l’EFA et du Collège de France (Denis Knoepfler, parti en retraite en 2014). Plusieurs campagnes de terrain ont eu lieu, qui ont porté pour la partie EFA, sur les inscriptions d’Akraiphia et du Ptoion, campagnes au cours desquelles une forte collaboration a été établie entre Christel Müller et Yannis Kalliontzis ; celui-ci, devenu entretemps membre de l’EFA précisément en lien avec ce projet, a déposé depuis avec succès une demande de financement auprès des deux agences ANR et DFG pour les années 2015-2018 qui permettra de mettre en œuvre d’abord le corpus des inscriptions de Thèbes.

 

-Le nouveau projet (2017-2021) est plus vaste et englobe non seulement la poursuite de l’étude épigraphique, mais aussi un volet archéologique destiné à la reprise et à la publication des travaux autrefois menés par l’EFA (cf. supra). Ce projet sera l’occasion d’un nombre restreint de campagnes de terrain, trois en principe, dans la mesure où les fouilles ne sont plus ni possibles ni nécessaires au Ptoion et à Akraiphia..

-Ces travaux prendront place dans la collaboration étroite établie entre l’EFA et la IXe Éphorie des Antiquités (Thèbes), placée sous la direction du Dr. Alexandra Charami, à la suite de la demande formulée par cette dernière concernant les travaux de restauration nécessités par l’état du site en général et de la terrasse inférieure du sanctuaire d’Apollon en particulier (lettre adressée à l’EFA en janvier 2017). Dans ce cadre, l’EFA s’engage, pour sa part, à faire une mise au point sur la documentation et les archives des fouilles françaises en vue de la publication et de la collaboration pour les travaux de restauration. Le travail de numérisation des archives (notamment les plans anciens) a été entamé en octobre 2016.