2. Culture politique des sociétés grecques et romaines : histoire, mémoire et (auto)-représentation des aristocraties

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La « culture politique » peut être définie comme un langage de légitimation contenant à la fois un vocabulaire d’images, des métaphores, des rituels et des actes performatifs à travers lesquels les négociations politiques sont menées. Dans ce cadre, la réflexion des membres du groupe est consacrée à une thématique d’histoire politique récemment renouvelée, celle des aristocraties antiques et de leurs interactions avec le peuple réuni en assemblées dans des systèmes fondés sur la participation civique ou avec le Prince lorsque Rome est devenue une monarchie.

Vie politique dans les cités grecques (C. Müller, M.-J. Werlings, M. Jost) : il s’agit d’explorer une autre facette des rapports entre le peuple et ses élites, à un moment charnière de l’histoire des sociétés anciennes, la transition entre périodes archaïque et classique. Le champ s’est progressivement élargi à une seconde période de transition : celle de la fin de l’époque hellénistique et du début de l’époque impériale. Le thème de la transition historique a débouché, en lui-même, sur un colloque organisé au sein de la MAE dans le cadre d’un de ses axes transversaux et publié en 2016 : C. Müller et M. Heintz (dir.), 2016. Transitions historiques, Nanterre : Maison de l’Archéologie et de l’Ethnologie (Colloques de la MAE René Ginouvès, 12). Par ailleurs, la thématique générale s’est enrichie d’une réflexion sur la citoyenneté (C. Müller).

            –Période archaïque/classique : M.-J. Werlings a approfondi plusieurs thèmes concernant la vie politique dans les cités grecques et le rapport entre le peuple et ses élites, à travers des articles et participations à des colloques (figure du roi homérique pasteur d’hommes, figure du démagogue de l’époque archaïque à l’époque classique) ; elle a continué ses travaux d’édition et traduction de textes (Constitution des Athéniens d’Aristote) et a participé à des travaux inter-équipes (Dictionnaire des Barbares).

            -Période hellénistique/romaine : C. Müller a participé au travail collectif sur les élites par une contribution (portant sur la vente de la citoyenneté) au volume co-dirigé par R. Baudry et Fr. Hurlet, et a livré pour un volume dirigé par N. Luraghi (Princeton) un article sur l’oligarchie à l’époque hellénistique (à paraître). Elle dirige quatre thèses sur les sociétés des cités grecques à l’époque hellénistique (questions politiques, économiques, religieuses : J. Faguer, M. Lesgourgues, É. Priol, Alexandre Vlamos). M. Jost travaille sur la religion des cités grecques et a consacré les cinq dernières années à la publication des 120 sources littéraires relatives au mont Lycée (participation à la publication américaine des fouilles) et à l’étude de la religion hellénistique (pour la Nouvelle Clio).

Aristocratie romaine à la fin de la République (Fr. Hurlet, R. Baudry, E. Deniaux) : les travaux ont tourné autour de la question du pouvoir dans la Rome tardo-républicaine et impériale à partir de l’attention portée à deux des acteurs majeurs de la vie politique de cette période : Auguste, auquel Fr. Hurlet a consacré une biographie prenant en compte l’évolution de son image posthume jusqu’à nos jours ; l’aristocratie augustéenne, étudiée à partir de notions contemporaines historicisées (« prestige », « génération », « norme », « déclassement » ou encore « opposition »). Ont été associées à cette fin une démarche institutionnelle et une perspective anthropologique. Dans la même veine, R. Baudry a mené des recherches sur la prosopographie, les pratiques politiques (électorales, en particulier) et les représentations de l’aristocratie romaine de la fin de la République et du début du Principat. E. Deniaux a travaillé sur le poids des clientèles dans le choix du nom et son prestige, dans l’élection aux magistratures, ainsi que sur l’histoire des représentations (l’image du tyran à Rome). Ont résulté de ces réflexions menées en commun un colloque puis un volume collectif intitulé Le prestige à Rome à la fin de la République et au début du Principat (Colloques MAE 13, 2016).

Les travaux consacrés, stricto sensu, au Nouveau Broughton sont, depuis septembre 2017, intégrés au projet IUF de Fr. Hurlet. Le « Nouveau Broughton » (prolongement du « Broughton ») est un projet collectif qui consiste à enregistrer année après année les magistrats de la Rome triumvirale et augustéenne ; les recherches prosopographiques menées dans ce cadre conduiront à une étude de la préture à la fin de la République et au début du Principat (R.Baudry).

 

A ces réflexions est venu s’ajouter un travail de terrain épigraphique en Grèce centrale (Béotie, C. Müller) : le projet, en cours de réalisation, porte sur l’épigraphie béotienne (réfection du volume des IG VII qui date de 1892), et se trouve placé du côté français sous le triple patronage de l’UMR 7041 (équipe ESPRI), de l’EFA et de l’Académie de Berlin, où les corpus des IG sont réalisés et publiés. Plusieurs campagnes de terrain ont eu lieu, qui ont concerné les inscriptions d’Akraiphia et du Ptoion : la quasi totalité des inscriptions subsistant aujourd’hui (env. 150) ont été estampées et plusieurs nouvelles inscriptions découvertes dont la publication est en cours. Ce terrain d’études constitue un véritable chantier école d’épigraphie et plusieurs doctorants ont participé aux missions en 2012, 2014 et 2017. Deux thèses sont en cours actuellement sur la Béotie, sous la direction ou co-direction de C. Müller, qui a organisé avec les deux doctorants concernés (T. Lucas co-direction F. Prost, A.-C. Panissié) un colloque international les 9 et 10 décembre 2016 : La Béotie de l’archaïsme à l’époque romaine : frontières, territoires, paysages (Boeotia from the Archaic to the Roman period : borders, territories, landscapes), qui sera publié dans les collections de la MAE en 2018. L’équipe désormais constituée (sept doctorants + un chercheur associé A.Robu) poursuivra les travaux entamés pour la réédition du corpus des inscriptions béotiennes et mégariennes, avec à la clé deux fascicules des Inscriptiones Graecae de Berlin pour la cité de Mégare et pour la cité d’Akraiphia et son sanctuaire le Ptoion, co-édités avec le responsable de la collection, Kl. Hallof, et partiellement présentés sous la forme de corpus numériques (Epidoc).

Le projet est désormais augmenté d’un volet archéologique, en lien étroit avec la partie épigraphique, destiné à la reprise et à la publication des travaux autrefois menés par l’EFA. L’objectif est de publier de manière aussi précise que possible l’ensemble des antiquités d’Akraiphia et du Ptoion, depuis l’acropole jusqu’aux sanctuaires, en élargissant la problématique à l’ensemble du territoire de la cité. Le premier terrain d’études a été en 2017 le sanctuaire du héros Ptoios à Kastraki, près d’Akraiphnion, dont un relevé topographique a été réalisé en 1995-1997. Il s’est agi de vérifier l’emplacement des bases de trépieds encore in situ et la description des vestiges par rapport aux données antérieurement produites. Le second terrain concerne les éléments de défense du territoire, notamment la fortification de la cité d’Akraiphia dont un relevé topographique a également été réalisé en 1995-1997, mais également les tours placées sur ce relevé et situées sur les collines alentour (Megalovouno, Pelagia). Ces travaux déboucheront sur un manuscrit collectif intitulé Histoire et géographie d’une cité béotienne : les antiquités d’Akraiphia et du Ptoion, publié dans les collections de l’EFA.

Dans le prochain quinquennal, cet axe s’intitulera « Culture politique et citoyenneté ». Il constituera un approfondissement des travaux menés dans le précédent quinquennal : seront désormais prises en compte plusieurs notions contemporaines susceptibles d’être historicisées dans leur application au fonctionnement politique de la cité : espace(s) public(s), « opinion publique », auctoritas.

Un premier pan de la réflexion concernera le lien complexe entre statuts personnels et espaces exploré depuis 2016 par C. Moatti et C. Müller dans un séminaire commun Paris 8/Paris 10 auquel ont participé plusieurs membres d’ESPRI ou plus largement d’ArScAn (F. Hurlet, A. Duplouy, N. Kyriakidis, B. Le Guen). Un volume collectif, intitulé Statuts personnels et espaces sociaux. Questions grecques et romaines, est en préparation qui sera publié en 2018 aux Éditions de la MAE (collection Travaux) : il ne s’agit pas ici d’une enquête sur la naissance des statuts ou sur l’existence de conflits de classe, ni d’une pure description des différents statuts ou sous-statuts légaux et sociaux, mais d’une série d’analyses qui, refusant à la fois d’aborder l’espace social comme un tout et de poser a priori des catégories (classes, statuts) pour en retracer l’évolution, se donnent pour objectif de comprendre quelles divisions légales ou sociales étaient opératoires dans les différents espaces sociaux.

Un deuxième aspect concernera la réflexion sur « l’espace public » entendu au sens habermassien du terme et se concrétisera sous la forme d’un atelier (F. Hurlet, C. Müller), ouvert à un large public (master, doctorat, enseignants-chercheurs de différentes disciplines), organisé autour de l’interprétation d’extraits de l’œuvre de J. Habermas. Ces travaux déboucheront sur un ouvrage collectif consacré, dans une perspective plus générale, à une discussion sur l’usage heuristique de l’œuvre d’Habermas appliqué à l’antiquité.

Enfin, en lien avec ce qui précède, on se penchera sur la question de l’auctoritas (F. Hurlet, R. Baudry en collaboration avec J.-M. David) : dans une sphère publique romaine structurée par la représentation, la vertu cardinale est en effet l’auctoritas, qui renvoie à l’obligation pour l’aristocratie de justifier son rang en permanence et sera étudiée de façon collective dans le cadre d’un colloque prévu en septembre 2018. Cette réflexion sera complétée par une recherche comparative et interdisciplinaire sur la grammaire et les figures d’autorité, menée en 2019-2020 avec un membre du laboratoire d’anthropologie de la MAE (I. Rivoal, LESC, UMR 7186).

L’ensemble de ces travaux viendra alimenter la réflexion sur les élites avec : des analyses portant sur l’archéologie funéraire et l’histoire des élites de l’Italie préromaine (analyse des mobiliers et des décors peints et sculptés : M. Trochet, G. Di Palma) ; une monographie consacrée à l’aristocratie augustéenne de la mort de César à la mort d’Auguste (F. Hurlet) ; différentes études s’attachant aux représentations du pouvoir à la fin de la République et à l’époque du Triumvirat ainsi qu’au jeu des clientèles (E.Deniaux).


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