Mission archéologique française « Ajakagytma » sur la Néolithisation en Asie centrale (MAFANAC)

Exposition « 25 ans de coopération franco-ouzbèque en archéologie et préservation du patrimoine » (© Ambassade de France en Ouzbékistan, mission MAFANAC). Cliquez ici pour plus d’infos

La MANAFAC (2005-2015), met en œuvre un programme de recherche pluridisciplinaire sur la préhistoire et l’émergence des premières communautés pastorales néolithiques de l’Ouzbékistan. L’étude de ces sociétés et de leur évolution au sein d’écosystèmes fragiles, aujourd’hui désertiques, renouvelle par des méthodes récentes les travaux de grande ampleur menés par le passé. Les recherches se sont concentrées sur deux zones : celle du Zeravchan, avec la fouille du site d’habitat néolithique d’Ajakagytma (VIIe– VIe millénaires av.n.è.) et celle de l’ancien delta de l’Amou-daria (Akchadaria), où les prospections archéologiques ont conduit à la découverte de plusieurs centaines de sites nouveaux.

Les résultats de la MAFANAC répondent à des enjeux écologiques et économiques contemporains : sur la désertification en Asie centrale, par l’apport de données sur l’impact de l’activité humaine et sur l’évolution du climat ; sur l’exploitation économique de ces régions arides, par la proposition de modèles historiques alternatifs ; et sur la disparition de la biodiversité dans le désert du Kyzyl-Kum, par la recension des espèces végétales et animales anciennes et actuelles.

Le Néolithique en Asie centrale : la culture de Kel’teminar

Les découvertes éclairent l’origine et l’évolution des premières sociétés complexes : celles des éleveurs nomades et des agriculteurs du Néolithique qui apparaissent au sein de communautés de chasseurs-cueilleurs paléolithiques. Il s’agit d’expliquer un tournant majeur et universel dans l’histoire humaine : la « néolithisation », processus qui pose les bases de nos sociétés contemporaines. Ce bouleversement dans les modes de vie, marqué par les domestications du milieu naturel par l’homme, résulte d’une longue et progressive transformation des sociétés (XVe-IIIe millénaires av.n.è.) qui mêle innovations techniques et modifications profondes dans les domaines culturel, artistique et symbolique. Ce processus complexe a pris naissance dans plusieurs foyers néolithiques spécifiquement centrasiatiques, indépendants de ceux situés à la périphérie (Proche et Moyen-Orient, Chine, Pakistan).

L’une des plus anciennes cultures néolithiques d’Asie centrale, appelée Kel’teminar, a été mise en évidence au cœur de l’Ouzbékistan. Les travaux de la MAFANAC permettent de dater cette culture de la fin du VIIe millénaire av.n.è., alors qu’on la croyait plus récente, et de confirmer qu’elle est bien la première société pastorale connue à ce jour sur ce territoire. Étonnante par sa large extension géographique (jusqu’au Kazakhstan et au Turkménistan) et chronologique (VIIe-IVe millénaires av.n.è.) et par son réseau de relations avec différentes régions d’Asie (Oural, Altaï, Tadjikistan, Afghanistan, Pakistan, Turkménistan), Kel’teminar présente une culture matérielle très riche.

Les plus anciens sites de Kel’teminar ont été observés dans la région du Zeravshan. Le choix s’est porté sur celui d’Ajakagytma près d’un paléo-lac salé, à 100 km au nord de Boukhara. L’exceptionnelle préservation de plusieurs occupations néolithiques en fait un site remarquable. Les fouilles, conduites à l’aide d’une méthodologie nouvelle, ont permis de préciser la chronologie des occupations, l’organisation spatiale et fonctionnelle des habitats (aires de combustion, de cuisson de la poterie, de boucherie, etc.), le mode de vie de l’époque ainsi que les traditions et les savoir-faire techniques impliqués dans la fabrication des objets et leur utilisation.

De nouvelles données sur le paléo-environnement en Ouzbékistan

La localisation de Kel’teminar, entre steppes et oasis, dans la zone des anciens deltas de l’Amou-daria et du Zeravshan, favorise l’obtention de données remarquables sur le paléo-environnement. Cela permet d’établir un modèle de référence pour les zones endoréiques (régions dont les eaux fluviales ne gagnent pas la mer) actuellement désertiques d’Asie centrale et de discuter précisément des phénomènes climatiques qui se seraient succédés de l’Holocène ancien (il y a environ 10 000 ans) à nos jours. Les travaux de la MAFANAC soutiennent l’hypothèse de l’existence d’un optimum climatique (réchauffement associé à une hausse des précipitations) contemporain de Kel’teminar tout en envisageant l’existence de micro-variations à l’échelle d’une région, plutôt que celle d’un macro-phénomène climatique abrupt de désertification.

Les méthodes mises en œuvre font du site d’Ajakagytma un chantier pilote et un lieu de formation dans de nombreux domaines (archéologie, histoire, géographie, géomatique, archéozoologie, paléoclimatologie…).

Responsables : Frédérique Brunet (CNRS) et Muhiddin Khudzhanazarov (Institut d’archéologie ANRUz)

Participants de l’UMR : A. Emery-Barbier, L. Aubry, C. Guéret, A. Dupont-Delaleuf, D. Molez et R. Douaud

Participants associés : H. Hoshimov, B. Sajfullaev, M. Kondrikova, F. Rahmanov (Institut d’archéologie ANRUz) ; N. Avanessova, N. Holmatov (Université SamDu) ; K. Toderich (ICARDA-ICBA, Tachkent); K. Szymczak, M. Kot (Institut d’archéologie de l’Université de Varsovie); G. Davtian et C. Delhon (CNRS-UMR7264) ; J.-D. Vigne, K. Debue-Franel et M. Tengberg (CNRS-UMR 7209/MNHN) ; Jacques Pelegrin (CNRS-UMR 7055) ; B. Gassin (CNRS-UMR 5608); J.-F. Berger (CNRS-UMR 5600) ; L. Munduteguy ; E. Lesvignes.

En savoir plus : les 10 ans de la MAFANAC