Mission archéologique française du bassin de l’Indus – MAFBI

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Collaborations et institutions scientifiques partenaires :
logoARSCAN Archéologies et Sciences de l’Antiquité ArScAn CNRS-UMR7041 –Archéologie de l’Asie centrale
fb_meae Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères
pk_coa Department of Archaeology and Museums of Pakistan
coat_of_arms_of_sindh_province Culture, Tourism and Antiquities Department, Government of Sindh
Taxila Institute of Asian Civilization – Quaid-i-Azam University, Islamabad
eft Endowment Fund Trust for the Preservation of the Heritage of Sindh
UMR7209 – CNRS/MNHN « Archéozoologie et archéobotanique
Direction de la mission :
    Aurore Didier
    Chargée de recherches, CNRS-UMR7041 – ArScAn
    « Archéologie de l’Asie centrale : Peuplement, Milieux, techniques »
Participants :
    Syed Shakir Ali Shah,
    Deputy Director Exploration and Excavation Branch, Karachi, Culture, Tourism and Antiquities Department, Governemment of Sindh
    Pascal Mongne,
    Chercheur associé CNRS-UMR7041 ArScAn
    Jean Humbert,
    Dessinateur indépendant
    Margareta Tengberg,
    Professeur au Museum National d’Histoire Naturelle / CNRS-UMR7209
    Alexandre Houdas,
    Doctorant Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne / UMR7041 ArScAn
Contributeurs :

Presentation

La « Mission Archéologique Française du Bassin de l’Indus » (MAFBI) est programme de recherche pluridisciplinaire ayant pour thème l’étude du peuplement du Pakistan méridional et du nord-ouest de l’Inde à la période protohistorique. Elle a pour objectif d’approfondir la question de l’émergence, de l’évolution et des interactions inter-régionales de la civilisation de l’Indus (2500-1900 av. n.è.), premier grand phénomène d’urbanisation en Asie du sud. S’inscrivant dans une tradition presque « soixantenaire » de coopération franco-pakistanaise en archéologie, la MAFBI est issue de la réunion de plusieurs programmes de recherches archéologiques pionniers sur la protohistoire du Pakistan (Fig. 1) : La Mission Archéologique de l’Indus (M.A.I.) dirigée jusqu’en 2014 par Jean-François Jarrige (†) et la Mission Archéologique Française au Makran » (Balochistan, Pakistan) fondée par Roland Besenval (†).

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Le terrain actuel de la mission se situe dans la province du Sindh (sud-est du Pakistan), un secteur d’étude particulièrement propice au développement d’une problématique de recherche sur l’origine de la civilisation de l’Indus (Fig. 2). C’est en effet au cœur de ce territoire qu’ont été découvertes dans les années 1920 et 1930 deux des agglomérations urbaines planifiées les plus emblématiques de cette société complexe : Mohenjo-daro et Chanhu-daro. Fouillé par la Mission de l’Indus de 1959 à 1962 (Casal 1964), le site d’Amri, reste également aujourd’hui, par sa séquence relativement longue (ca. 3500-1900 av. n.è., puis occupation de la période islamique), un site de référence majeur pour la périodisation du Sindh méridional.
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Le cadre chronologique traité dans le programme de la MAFBI concerne la période Chalcolithique récente (seconde moitié du IVe millénaire), la période pré-Indus (3000-2500 av. n.è.) et les trois périodes de la civilisation de l’Indus (2500-1900 av. n.è.). Les travaux actuels, développés en collaboration avec le Département d’Archéologie et des Musées du Pakistan et le Département de la Culture, du Tourisme et des Antiquités du Sindh, visent à apporter de nouvelles données permettant de mieux caractériser la séquence chronologique protohistorique de la Basse vallée de l’Indus, approfondir la question des interactions culturelles et matérielles entre les peuplements du Balochistan et du Sindh au Chalcolithique et à l’âge du Bronze, mais surtout d’offrir un nouvel éclairage sur la formation et les développements socio-culturels de la civilisation de l’Indus, une question qui constitue l’un des challenges les plus importants de la recherche actuelle sur cette société complexe. Les méthodes mises en œuvre pour apporter des réponses à cette question sont : les études de terrain (prospections, fouilles archéologiques), les études environnementales et les études de mobilier. La MAFBI comprend enfin un axe de recherche privilégié centré sur l’étude des relations entre les régions du Sindh/Balochistan méridional et celles du nord-ouest de l’Inde aux époques pré-Indus et Indus.

La question de l’émergence et du développement de la civilisation de l’Indus est abordée dans le programme de la MAFBI par la mise en œuvre de deux opérations complémentaires débutées en 2015 et conduites de manière simultanée (Fig. 2) :

  • la fouille du site de Chanhu-daro localisé dans le District de Shaheed Benazirabad ;
  • un programme de prospections géo-archéologiques accompagné de la réalisation de sondages-tests dans les piémonts de la chaîne des Kirthar au sud-ouest du Sindh (région du Sindh-Kohistan, District de Jamshoro).

La fouille du site de Chanhu-daro (Fig. 3)

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Découvert en 1931 lors d’une prospection conduite par l’Archaeological Survey of India (Majumdar 1934), le site de Chanhu-daro fut l’objet d’une unique campagne de fouilles conduite en 1935-1936 par une équipe de l’American School of Indic and Iranian Studies et du Museum of Fine Arts, Boston, dirigée par E.J.H. Mackay (1943). Caractérisé par de remarquables architectures en briques-cuites comparables à Mohenjo-daro et un mobilier de qualité exceptionnel, ce site est connu dans la littérature archéologique comme l’un des principaux centres de production artisanale de la civilisation de l’Indus. L’objectif des nouvelles recherches, réalisées avec l’appui des connaissances actuelles, est d’apporter des données inédites sur l’occupation de la première période de la civilisation de l’Indus (2500-2300 av. n.è.), une période peu documentée à Chanhu-daro, mais également dans l’ensemble de la basse vallée de l’Indus en raison d’importantes contraintes stratigraphiques/environnementales et d’une méconnaissance de la périodisation interne de cette civilisation lors des fouilles anciennes. Grâce à l’accessibilité des niveaux les plus anciens de l’occupation « Indus », le site de Chanhu-daro offre aujourd’hui une opportunité unique de travailler sur les premiers développements architecturaux et artisanaux de cette société complexe et de mieux comprendre sa formation au cœur de son territoire.

Après un sondage-test prometteur en 2015, la mission a entamé, en janvier-février 2016, des opérations de fouilles extensives au nord-ouest et à l’est du site dans des niveaux datés par la céramique de la première période Indus. La fouille du Chantier 2 a permis de dégager plusieurs ensembles architecturaux comprenant des installations domestiques et délimités par des ruelles étroites (Fig. 4). La découverte de ces unités d’habitations sous le niveau de fin de fouille de Mackay a pu ainsi remettre en cause, dès le début des opérations, la théorie de l’aménagement d’une vaste plateforme servant de sous-bassement aux architectures en briques cuites de la 2ème période Indus. L’autre résultat fondamental des travaux conduits en 2016 est le dégagement d’un édifice aux murs massifs d’un type inconnu à ce jour pour la première période Indus et dont la fonction doit être précisée.

L’objectif de la prochaine campagne réalisée en 2017 sera d’étendre la fouille tout autour afin d’en restituer le plan complet, mais aussi de dégager d’autres structures similaires visibles en surface pour définir si l’édifice dégagé pourrait avoir fait partie d’un ensemble ou complexe plus vaste. De même, l’utilisation de briques cuites dans une architecture majoritairement construites en briques crues, identifiée dans les vestiges mis au jour dans le Chantier 2, est une découverte inhabituelle, surtout pour la première période de cette civilisation. Enfin, le site de Chanhu-daro était connu jusqu’ici comme un grand centre de production artisanale durant la seconde période de la civilisation de l’Indus. La fouille des niveaux architecturaux dégagés en 2016 a livré de très belles céramiques peintes de la première période Indus (Fig. 5), une importante collection d’objets (Fig. 6) ainsi que de très nombreux témoignages d’activités artisanales liées au travail des lapidaires (calcédoine, stéatite, silex). Ces derniers montrent l’importance et la qualité des artisanats produits dès la première période de la civilisation de l’Indus.

Figure 4
Figure 5
Figure 6

Les prospections au Sindh-Kohistan et la réalisation de sondages-tests

La région du Sindh-Kohistan, formant une zone frontalière du Balochistan, présente un fort potentiel pour étudier les stratégies et modèles de peuplement de la basse vallée de l’Indus, documenter les interactions avec les régions voisines, mais surtout approfondir la question de la transition entre les périodes pré-Indus (3000-2500) et Indus (2500-1900). En effet, la région ne montre pas de contraintes environnementales comme celles observées dans les régions bordant de part et d’autre le fleuve Indus où les sites protohistoriques sont le plus souvent recouverts par plusieurs mètres de dépôts alluviaux et restent difficiles à identifier en surface. Débutées en 2015, les recherches actuelles de la MAFBI se concentrent sur le secteur localisé au Nord-Ouest de la rivière Baran. Des sondages-tests sont prévus en 2017 sur les sites de : 1) Taung Buthi, un site de la civilisation de l’Indus doté d’une fortification naturelle localisé à un point de passage stratégique entre le piémont ouest du Kirthar Range et la plaine de l’Indus ; et de 2) Karchat, un site pré-Indus/Indus localisé à proximité d’une vaste zone d’exploitation ancienne de ressources minérales.


La coopération franco-pakistanaise en archéologie

En savoir plus :

Enrichies du fruit de coopérations avec plusieurs institutions culturelles et universités pakistanaises, les activités de la mission intègrent également des programmes de formation sur le terrain (accueil d’étudiants en archéologie et de jeunes professionnels du patrimoine pakistanais formés aux techniques de fouilles, à l’étude et à la gestion du mobilier archéologique, au dessin, à la cartographie ou à la photogrammétrie et dans les universités locales (enseignement, organisation et animation d’ateliers/séminaires). À la demande du pays-hôte, la MAFBI apporte l’expertise des chercheurs français à l’étude et la valorisation du patrimoine culturel pakistanais et contribue, par son aide logistique et son encadrement scientifique, au développement de nouveaux travaux de terrain réalisés par de jeunes archéologues pakistanais dans la province du Balochistan. Avec le soutien du MEAE et de l’Ambassade de France au Pakistan, la MAFBI accueille enfin des étudiants pakistanais (niveaux Master et Doctorat) dans son laboratoire en France (CNRS-UMR7041) pour des séjours de formation aux techniques avancées de l’archéologie.

La MAFBI a été récompensée en 2016 et 2017 par le label « Archéologie» délivré par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.aibl