Mission archéologique française en Asie centrale (MAFAC)

MAFAC, Label Archéologie de l’AIBL 2016 (© Clichés MAFAC)

La « Mission Archéologique Française en Asie Centrale » (MAFAC) met en œuvre, dans le cadre d’un réseau de coopération internationale, un programme de recherche pluridisciplinaire en Ouzbékistan et au Tadjikistan sur la Préhistoire et la Protohistoire ancienne, la néolithisation et l’émergence des sociétés nomades et sédentaires dans un contexte de « mondialisation » des réseaux de relations (VIIe-IIIe millénaires av. n.è.). Subventionnée par le ministère français des Affaires étrangères et du Développement international, elle résulte de la fusion en 2015 de deux missions précurseurs (ex-MAFANAC-Ajakagytma en Ouzbékistan, dir. F. Brunet et ex-MAFACSarazm au Tadjikistan, dir. H.-P. Francfort), s’appuyant sur une collaboration française historique avec les institutions partenaires de l’Académie des Sciences des deux pays concernés, à savoir l’Institut d’archéologie Ja. Guljamov à Samarcande (Ouzbékistan) et l’Institut d’histoire, d’archéologie et d’ethnographie A. Donish à Douchanbé (Tadjikistan).

La mission consacre ses recherches principalement à la vallée fluviale du Zeravshan, depuis sa source dans les piémonts fertiles du Tadjikistan jusqu’à ses nombreux méandres anciens, qui se perdent actuellement dans les sables du Kyzyl-Kum en Ouzbékistan, après avoir traversé les oasis de Samarcande et de Boukhara. Cette région permet d’étudier dans la longue durée la genèse de sociétés pastorales ou agricoles majeures en Asie centrale, selon des processus originaux, loin des grands foyers méridionaux (Proche et Moyen-Orient, Chine, Indus) : depuis la néolithisation illustrée par la culture prédominante de Kel’teminar (VIIe-IVe millénaires) jusqu’aux civilisations du Bronze (oasis versus steppes, IVe-IIIe millénaires) par une période charnière et encore mal connue, le Chalcolithique. Cette transformation d’anciennes communautés de chasseurs-cueilleurs se traduit par des innovations techniques et économiques mais également de profondes modifications de la société. On peut citer la domestication des plantes et des animaux, l’apparition d’un art monumental, l’urbanisation, la spécialisation artisanale et la mise en place de relations à très grande distance. Les travaux de la mission éclairent l’origine et l’évolution de ces premières sociétés complexes au sein d’écosystèmes fragiles, en renouvelant les approches par des méthodes récentes. Outre la fouille des sites d’Ajakagytma (Néolithique, Ouzbékistan) et de Sarazm (Chalcolithique-Bronze, Tadjikistan), nos prospections dans le paléodelta de l’Amou-Daria (Akchadaria) et dans le désert en Ouzbékistan ont conduit à la découverte de plusieurs centaines de sites de cette époque.

Les premiers pasteurs de Kel’teminar, dont la grande ancienneté (VIIe millénaire) fut démontrée par la mission, sont dorénavant identifiés dans la vallée du Zeravshan en Ouzbékistan. Nos travaux sur le site exceptionnellement préservé d’Ajakagytma, découvert en 1995 par une mission ouzbéko-polonaise (M. Khudzhanazarov et K. Szymczak), fournissent des éléments remarquables sur la chronologie, le mode de vie et les traditions culturelles et techniques originales de cette société néolithique. On privilégie désormais l’hypothèse de l’origine locale de cette néolithisation. Par ailleurs, un modèle de référence inédit sur l’environnement et le climat passés de ces zones endoréiques d’Asie centrale aborde les phénomènes d’optimum climatique et d’aridification ; il répond aussi à des interrogations écologiques et économiques contemporaines. Enfin, notre étude propose d’expliquer les interactions, mises en évidence à partir du Ve millénaire, avec des communautés chalcolithiques et du Bronze ancien installées dans les oasis, les piémonts et les steppes. De même, elle vise à comprendre la fonction d’établissements « multiculturels » qui apparaissent à cette époque dans la vallée du Zeravshan, où des traditions différentes coexistent.

L’étude du site de Sarazm (Ve-IIIe millénaires) au Tadjikistan, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2010, illustre admirablement ces réseaux et leur complexité. Après sa découverte en 1976 par A. Isakov, ce site a fait l’objet de fouilles et d’une collaboration entre le Tadjikistan et la France depuis trente ans. La poursuite de ces opérations vise à mieux comprendre le rôle majeur de cet établissement à l’aube de la brillante civilisation de l’âge du bronze du bassin de l’Oxus. Sarazm est en effet exceptionnel à plusieurs égards : attestation la plus septentrionale et la plus ancienne d’une communauté d’agropasteurs sédentaires, à l’image des sociétés de l’Asie méridionale, il montre une architecture élaborée, associant des bâtiments à caractère monumental, des quartiers artisanaux et des habitats domestiques. En outre, il semble avoir été un centre intégré dans des relations « internationales » de large envergure comprenant les autres régions centrasiatiques, les steppes sibériennes, mais aussi l’Iran, le Baloutchistan et le monde syro-mésopotamien. La richesse en minéraux (or, étain, pierres semi-précieuses…) de la vallée du Zeravshan pourrait expliquer son attractivité.

Responsables : Frédérique Brunet (CNRS); Ouzbékistan: Muhiddin Khudzhanazarov avec H. Hoshimov (Institut d’archéologie AN RUz); Tadjikistan : Abdurauf Razzokov (Institut d’histoire, d’archéologie et d’ethnologie AN RT)

Participants de l’UMR : A. Emery-Barbier, B. Mutin, L. Cez, C. Guéret, A. Dupont-Delaleuf, D. Molez et R. Douaud

Participants associés : B. Sajfullaev, M. Kondrikova, F. Rahmanov (Institut d’archéologie AN RUz) ; N. Avanessova, N. Holmatov (Université SamDu) ; K. Toderich (ICARDA-ICBA, Tachkent); Z. Akramov, R. Masov, T. Filimonova (Institut d’histoire AN RT) ; O. Otaboev (Base archéologique de Sarazm/Pendjikent) ; G. Davtian et C. Delhon (CNRS-UMR7264) ; J.-D. Vigne, K. Debue-Franel, S. Lepetz et M. Tengberg (CNRS-UMR 7209/MNHN) ; Jacques Pelegrin (CNRS-UMR 7055) ; B. Gassin (CNRS-UMR 5608); J.-F. Berger (CNRS-UMR 5600) ; E. Fouache (mission MEDEE, Université Paris-Sorbonne Abu-Dhabi); J. Vasquez (Musée du Louvre) ; L. Munduteguy ; E. Lesvignes.

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