Takht-i Sangin : étude de l’établissement hellénistique

Programme de fouilles et d’études

 

Le site de Takht-i Sangin, au sud du Tadjikistan et au nord de l’ancienne Bactriane, se situe immédiatement au sud de la confluence entre les rivières Vakhsh et Pandj, qui forment alors l’Amou Darya. Implanté sur une étroite bande de terre qui s’étend entre le fleuve et une chaîne de montagne (Aktau), il a été découvert dès la fin du 19e siècle et fouillé ponctuellement au début du 20e avant d’être exploré par des équipes russe et tadjike, jusqu’en 2010. En 2013, l’Institut d’Histoire, Archéologie et Ethnographie de l’Académie des Sciences du Tadjikistan (IHAET) s’est tourné vers les archéologues français pour en reprendre la fouille, et la Mission archéologique française en Asie centrale, alors dirigée par H.-P. Francfort, a contacté l’équipe APOHR : après un premier séjour en commun sur le terrain en 2013 puis les premières fouilles en 2014, M. Gelin a créé en 2015 la nouvelle mission franco-tadjike, relevant du CNRS, de la Commission des Fouilles du Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères et de l’IHAET.

D’après les travaux des précédentes missions, Takht-i Sangin serait une fondation du IIIe s. av. J.-C. attribuée à Antiochos 1er, alors que la Bactriane était sous domination séleucide. Elle aurait perduré jusqu’à l’époque kouchane, au IIe ap. J.-C., et aurait ainsi survécu aux invasions nomades. Pour les périodes séleucide et gréco-bactrienne, son phasage chronologique correspond à ceux mis en évidence sur les sites d’Aï Khanoum, de Termez et de Bactres, trois villes importantes situées dans un rayon d’une centaine de kilomètres (en Afghanistan et Ouzbékistan actuels).

Takht-i Sangin est célèbre pour abriter le temple de l’Oxus et il semblerait que la vie religieuse y ait occupé une place importante, eu égard à la situation centrale du temple et à une véritable mise en scène lui conférant une position dominante ; le Trésor de l’Oxus, découvert à proximité, lui est parfois associé. Le bâtiment, établi dans la citadelle qui domine le site et s’avance vers le fleuve, a été entièrement fouillé par les archéologues précédents. Une équipe tadjike dirigée par A. Drujinina a entrepris des fouilles dans l’agglomération elle-même (1998-2010), intervenant sur plusieurs habitats. Cependant, du fait de ses dimensions importantes, les connaissances accumulées sur l’espace urbain lui-même restent pour le moment restreintes et, par exemple, on ignore ses limites exactes, les dates de fondation des longs murs qui barrent le site à divers intervalles et les probables étapes d’extension de la ville.

Les recherches que nous avons pu mener depuis 2014 laissent néanmoins entrevoir la possibilité d’une fondation d’origine de dimensions restreintes : s’il s’agit d’une création séleucide, on doit davantage envisager une forteresse, plutôt qu’une grande ville. Seules de prochaines études pourront nous permettre de définir la réalité de cette fondation séleucide et comment ont eu lieu les développements ultérieurs de la zone urbaine. Malheureusement, la situation sécuritaire à la frontière ne nous permet pas, à l’heure actuelle, de vérifier ces hypothèses.

Les recherches ont été menées, en 2013 et 2014, grâce à et avec la Mission française en Asie centrale (H.-P. Francfort, F. Brunet), et à partir de 2015 dans le cadre de la Mission archéologique franco-tadjike du Tadjikistan méridional, soutenue par OrAM, par le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, par le laboratoire Sisyphe de l’université Pierre et Marie Curie, par l’Académie des Sciences du Tadjikistan, par l’Institut d’Histoire, Archéologie et Ethnographie de Douchanbé, par l’ambassade de France au Tadjikistan.

Membres participants OrAM :
– Gelin Mathilde, archéologue, CNRS, responsable (2013-2014, 2017) ;
– Blanc Pierre-Marie, archéologue, CNRS (2013-2014, 2017).

Membre participant ARSCAN :
– Francfort Henri-Paul, archéologue, Académie des Inscriptions et belles lettres (2013-2014).

Autres participants :
– Khujagueldiev Tura, archéologue, IHAET (2013-2014, 2017) ;
– Sharidov Abdullah, archéologue, IHAET (2017).

BIBLIOGRAPHIE :

– Bernard P., 1994, « Le temple du dieu Oxus à Takht-i Sangin en Bactriane : temple du feu ou pas ? », Studia Iranica 23, p. 81-121.

– Bernard P., 2015, « Le temple du dieu Oxus à Takht-i Sangin au Tadjikistan, ou l’esprit de l’escalier », De Samarcande à Istanbul : étapes orientales, Hommage à Pierre Chuvin 2, V. Schiltz éd., Paris, p. 53-70.

– Drujinina A., “The structure of the urban site Takht-i Sangin and its vicinity”, Bulletin of Miho Museum 16, 2016, p. 1-49.

– Drujinina A., Linström G., 2013, « Kultgefäße im Oxos-Tempel – zur Frage der Kultkontinuität im unruhigen 2. Jh. V. Chr. « , Zwischen Ost und West. Neue Forschungen zum antiken Zentralasien, G. Linström, S. Hansen, A. Wieczorek, M. Tellenbach ed., Berlin, p. 171-186.

– Francfort H.-P., 2012, « Aï Khanoum and ‘temple with indented niches’ and Takht-i Sangin ‘Oxus temple’ in historical cultural perspective: outline hypothesis about the cults », Parthica 14, p. 109-136.

– Gelin M., « Исследования на городище Тахти-Сангин » [Recherches sur le site de Takht-i Sangin], Археологические работы в Таджикистане [Travaux archéologiques du Tadjikistan] 40, 2019, Douchanbé, p. 140-163. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03286383

– Gelin M., « Nouvelles recherches à Takht-i Sangin », Journal of Historical, Philological and Cultural Studies 47-1, Académie des Sciences de Russie, Moscou-Magnitogorsk-Novossibirsk, 2015, p. 32-45 et pl. 1-2. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03010484v2/document

– Gelin M., P.-M. Blanc (coll.), « Тахти Сангин, 2017. Предварительный отчет » [Takht-i Sangin, 2017. Rapport préliminaire], Археологические работы в Таджикистане [Travaux archéologiques du Tadjikistan] 42, Douchanbé, 2022, p. 153-162.

– Gelin M., Drujinina A., « Le site de Takht-i Sangin », Tadjikistan, au pays des fleuves d’or, Paris-Gand, Musée Guimet-Éditions Snoeck, 2021, p. 78-79.

– Gelin M., Drujinina A., « Cat. 39. Poignée d’épée représentant Héraklès luttant contre Achéloos », Tadjikistan, au pays des fleuves d’or, Paris-Gand, Musée Guimet-Editions Snoeck, 2021, p. 82-83.

– Gelin M., Drujinina A., « Cat. 40. Tête d’Alexandre-Héraklès provenant d’un fourreau de machaira », Tadjikistan, au pays des fleuves d’or, Paris-Gand, Musée Guimet-Editions Snoeck, 2021, p. 84-85.

– Gelin M., Drujinina A., « Cat. 44. Autel dédié à l’Oxus par Atrosokès, avec Marsyas jouant de la double flûte », Tadjikistan, au pays des fleuves d’or, Paris-Gand, Musée Guimet-Editions Snoeck, 2021, p. 88-89.

– Gelin M., Drujinina A., « Cat. 47. Jeune homme (du type d’Apollon ou d’Éros) », Tadjikistan, au pays des fleuves d’or, Paris-Gand, Musée Guimet-Editions Snoeck, 2021, p. 92-93.

– Gelin M., Drujinina A., « Cat. 61. Plaque décorative de fourreau d’épée (?) avec des scènes de chasse et de banquet », Tadjikistan, au pays des fleuves d’or, Paris-Gand, Musée Guimet-Editions Snoeck, 2021, p. 102-103.

– Litvinskij B. A., 2000, « Бактрийский храм Окса и восточноиранский эллинизм. Проблемы и ги­потезы » [Le temple bactrien de l’Oxus et l’hellénisme oriental iranien. Problèmes et hypothèses], Вестник древней истории [Journal d’histoire ancienne] 2, p. 213-221.

– Litvinski B. A., Pichikian I. R., Эллинистический храм Окса в Бактрии (ЮжныйТаджикистан), 1, Раскопки, архитектура, религиозная жизнь [Le temple hellénistique de l’Oxus en Bactriane, 1, Fouilles, architecture, vie religieuse], Moscou, 2000.

– Litvinski B. A., Pichikian I. R., Эллинистический храм Окса в Бактрии (Южный Таджикистан), 2, Бактрийское вооружение в древневосточном и греческом контекст [Le temple hellénistique de l’Oxus en Bactriane, 2, Les armements de Bactriane dans le contexte de l’Orient ancient et grec], Moscou, 2001.

– Litvinski B. A., Pichikian I. R., Эллинистический храм Окса в Бактрии (Южный Таджикистан), 3, Искусство, художественное ремесло, музыкальный инструменту [Le temple hellénistique de l’Oxus en Bactriane, 3, Art, artisanat, instruments de musique], Moscou, 2010.

– Litvinskiy B. A., Pichikiyan I. R., « The temple of the Oxus », Journal of the Royal Asiatic Society of Great Britain and Ireland 2, 1981, p. 133-167.

– Litvinskii B. A., Pichikian I. R., « The Hellenistic Architecture and Art of the Temple of the Oxus », Bulletin of the Asia Institute 8, 1994, p. 47-66.

Takht-i Sangin (bande rouge) et ses abords (en vert : piste, puis route). Dessin M. Gelin sur une image © Google Earth.

La citadelle de Takh-i Sangin qui s’avance vers l’Amou Darya, vue vers l’est. Photo M. Gelin © Mission Tadjikistan méridional.