Shâ‘ara

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Une aide apportée par le mécénat de Total et sa filiale Total E&P de Syrie a permis, à partir de 2000, de procéder à l’étude d’un village complet de Syrie du Sud, Shâ‘ra, situé à l’angle nord-ouest du Léjâ, l’antique Trachonitide. Cette zone de coulées de laves récentes aux paysages chaotiques, difficiles à pénétrer, était au début du Ier s. av. J.-C. un refuge de populations vivant du brigandage aux dépens des caravanes venant d’Arabie pour alimenter les marchés de Damas. La répression de ce brigandage a été confiée en 82 av. J.-C. au roi nabatéen Arétas III, et enfin par Auguste à Hérode le Grand. Des colonies militaires (Bathyra, Sour) ont été établies à cette fin à proximité de cette inclusion désertique placée à l’intérieur d’un vaste territoire agricole. Les fonctions de défense et de contrôle ont marqué le village de Shâ‘ra qui, placé sur le bord de la coulée volcanique, dominait la plateau agricole situé à l’ouest, mais pouvait surveiller, en même temps, l’intérieur du Léjâ. L’insertion du village dans ce contexte et ses dispositifs de défense ont constitué le premier axe de notre programme. Le plus apparent est un rempart pratiquement continu, fait rare dans un village de Syrie du Sud, mais d’épaisseur réduite (moins de 1,50 m), ce qui prouve qu’il n’a pas été établi contre une armée organisée, mais plutôt contre des troupes de brigands. Il a été daté par des sondages dans le courant du IIe s. de notre ère. Avant le IIe s., la défense pouvait être assurée par des maisons accolées au sommet des collines dominant le village, et peut-être aussi par une forteresse de plan carré dominant le Léjâ à l’est du village. Le rempart pourrait marquer une phase d’agrandissement du territoire de l’agglomération. Une certaine insécurité persistait encore, ou est revenue, vers le IVe –Ve siècle de notre ère.

Shâ‘ara. Le mithraeum

Shâ‘ara. Le mithraeum

L’espace villageois de Shâ‘ra semble s’être constitué par la croissance de plusieurs noyaux d’habitations éloignés les uns des autres au départ. Cette évolution caractéristique d’un type d’habitat du Proche-Orient n’est pas arrivée ici jusqu’à un habitat dense. Toutes les structures bâties ont été inventoriées et étudiées par P. Clauss-Balty. Dans un grand nombre de maisons, on identifie un module constitué d’une salle à arc flanquée de pièces plus petites distribuées sur deux niveaux. Cette formule, liée à la résistance des poutres de basalte des couvertures, n’est pas attestée dans les zones géographiques voisines. Les pièces latérales ont été souvent utilisées comme des étables surmontées de greniers pour le fourrage, mais on trouve aussi dans certaines maisons des pièces d’habitation au niveau supérieur.

Des fouilles ou des sondages ont été effectués sur quatre maisons. Le matériel archéologique le plus ancien (perse ou hellénistique) reste hors contexte. Les phases de construction s’échelonnent du Ier au IIIe siècle, puis aux IVe-Ve siècles. Les états postérieurs à cette dernière période ont pu être suivis avec précision jusqu’à l’époque médiévale, puis moderne. Le plan d’ensemble des maisons n’a pas été transformé fondamentalement jusqu’aux dernières occupations qui datent du début du XXe siècle.

Pour préparer les publications, ont eu lieu en 2006 et 2007, des missions d’étude du matériel sur la céramique (F. Renel, R. Douaud), le verre (O. Dussart), la faune (S. Lepetz), ainsi que sur les techniques de construction (J.-Cl. Bessac). Des prospections autour du site en 2006 (J. Rohmer, L. Baqué) ont par ailleurs révélé la présence des nécropoles, de quatre sanctuaires périphériques et d’aménagements hydrauliques.

Bibliographie :
CLAUSS-BALTY P. (éd.) 2008. L’habitat dans les campagnes de Syrie du Sud de l’âge du Bronze au XVe siècle, actes de la Table-ronde tenue à l’université de Paris 7 – D. Diderot en avril 2005, Bibliothèque archéologique et historique de l’IFPO, BAH 181. Contributions de F. Braemer, P. Clauss-Balty, J. Dentzer-Feydy, J.-M. Dentzer, J.-P. Vallat et J. Leblanc, F. Villeneuve.

Participants :
Jean-Marie Dentzer (membre de l’Académie, professeur émérite Paris I), Pascale Clauss-Balty (chercheur associée), François Renel (Inrap), Jean Bruant (Inrap).


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